7ème édition

Rénovation énergétique
La santé en plus

Le 7e colloque national, le 4 juillet 2019,
Auditorium SMABTP à Paris

Promouvoir la rénovation performante des écoles en climat méditerranéen

Michaël GERBER 
Michaël GERBER,
Chargé de mission Collectivités
Agence Locale de l’Energie et du Climat,
Montpellier Métropole 

Claudia BOUDE BATLLE 
Claudia BOUDE BATLLE,
Espace Info Energie Est Hérault,
 GEFOSAT

Pouvez-vous nous expliquer les objectifs du projet ZEMedS ?

Il s’agit d’un projet européen sur lequel nous avons travaillé pendant trois ans. Il avait pour objectif de promouvoir la rénovation performante des écoles en climat méditerranéen, notamment à travers la création d’un guide et la capitalisation de retours d’expérience pour accompagner les maîtres d’ouvrage dans la recherche d’un niveau élevé d’exigences énergétiques et de confort. En les aidant à intégrer ces paramètres dès la rédaction de leur programme, les maîtres d’œuvre ont connaissance du cadre en amont et font les bons choix techniques.

ZEMedS n’est pas une démarche labellisée. Le projet vise à proposer aux porteurs de projets de prendre du recul et d’aborder la notion de bâtiment performant dans une approche plus globale, intégrant le confort thermique en toute saison – ce qui, en climat méditerranéen, est un point non négligeable – mais aussi l’acoustique, le confort visuel, la qualité de l’air… Dans une école, avec des classes de 30 enfants, ces aspects ont un impact sur la capacité de concentration et la qualité de l’apprentissage. La prise de conscience des maîtres d’ouvrage a donc un écho particulier.

Les maîtres d’ouvrage étant des collectivités locales et non des entreprises privées ou des particuliers, on imagine qu’il est plus facile d’obtenir des budgets pour la prise en compte de la santé des enfants ?

Ce n’est justement pas aussi simple. Les élus lancent souvent des rénovations orientées seulement performance énergétique, avec pour but premier de réduire les charges et de mieux maîtriser leur budget de fonctionnement. Cela a été particulièrement vrai sur la période où ZEMedS a été conduit, de mars 2013 à mars 2016, moment où la crise économique et les préoccupations financières prédominaient. Les élus sont parfois difficiles à convaincre pour investir fortement sur les aspects santé et mettent en avant un intérêt limiter de leur action si des efforts ne sont pas faits également dans les lieux d’habitation, les enfants n’étant qu’une partie du temps à l’école.

Comme les enfants ne sont pas en permanence à l’école, que ce soit au cours de l’année ou sur la durée d’une vie, les élus ne voient pas toujours l’intérêt d’investir fortement sur les aspects santé alors que ces efforts ne sont pas encore faits dans les lieux d’habitation.

On a organisé une série d’ateliers-formations pour leur expliquer les bénéfices d’une approche globale alors que beaucoup de mairies avaient l’habitude de fonctionner au coup par coup, dans un contexte de fort taux d’occupation des bâtiments (activités scolaires et, très souvent, centres aérés pendant les vacances) pour découper les travaux en fonction des disponibilités des lieux. Un des axes de travail a été de faire comprendre qu’on pouvait très bien envisager une rénovation globale et la planifier par étape, mais avec une trajectoire réfléchie dès le début.

Par ailleurs, même si d’un point de vue pratique, c’est plus compliqué, il ne faut pas négliger les atouts d’une rénovation pendant l’année, avec l’installation des enfants à côté de l’école dans une structure temporaire : ils voient la rénovation avancer, ils se l’approprient… La prendre en main et avoir un comportement adapté est ainsi plus pédagogique quand ils réemménagent.

Quels sont les enseignements de ZEMedS en matière de qualité de l’air ?

Cette dimension a souffert de l’abandon en 2014, donc au début du projet, des campagnes de mesures obligatoires de la QAI dans les écoles. Aujourd’hui, il y a de nouveau des contraintes réglementaires, mais elles sont assez souples : il faut soit mesurer la QAI, soit mettre en œuvre un plan d’actions pour l’améliorer, sans que celui-ci ne s’accompagne d’une évaluation obligatoire. Nous sommes dans une obligation de moyens et non de résultats, ce qui est beaucoup moins contraignant pour les communes. Elles sont donc nombreuses à choisir la deuxième option et, ici encore, nous manquons de retours d’expérience chiffrés sur lesquels appuyer des recommandations pour mieux convaincre. Pour être transparents, nous n’avons pas beaucoup avancé sur ce point depuis 2014.

Pour en revenir à ZEMedS, le seul indicateur de qualité de l’air que nous avons mis en place est la mesure de la concentration de CO2. Il n’était pas prévu de mesures des COV dans le projet. Mais audelà de la mesure, il faut s’interroger : que faire ensuite avec les résultats ? Et sur ce point, il y a encore des progrès à faire ! Les résultats donnés par les sondes varient de 30 % d’une pièce à l’autre, dans les mêmes conditions. Cette marge d’erreur nuit à la pertinence des actions qui peuvent être entreprises et au déclenchement des alertes dans le cas où la concentration de CO2 atteint un trop haut niveau.

Enfin, il faut rappeler que nous parlons de rénovation : l’existant est donc une contrainte importante. Il est assez rare que des ventilations mécaniques existent dans les écoles, et le choix réalisé lors des rénovations est généralement le plus simple : ne pas en installer. Nous sommes plutôt dans une démarche de bon sens des enseignants qui ont l’habitude d’ouvrir les fenêtres pendant les récréations. On commence tout juste à voir quelques installations de ventilation double flux, mais l’utilisation d’un système technique complexe n’est pas toujours la meilleure option. En effet, dans un BEPOS neuf, nous avons travaillé pendant deux ans pour arriver au fonctionnement optimal des équipements techniques, c’est-à-dire qu’on a répété aux enseignants qu’il était inutile d’ouvrir les fenêtres, que la ventilation ferait le travail. En appliquant ces consignes, un dysfonctionnement technique entraîne un très fort confinement pour les élèves avant le repérage de la situation et son traitement. Ce bémol du « trop de technique » n’est pas une spécificité des écoles et concerne tout type de bâtiment.

En dehors de la qualité de l’air, quelles autres recommandations pouvez-vous formuler suite au projet ZEMedS pour le confort dans les écoles ? pourî l’environnement sonore, par exemple ?

L’acoustique est effectivement un vrai sujet, qui se heurte aux habitudes : les parois parallèles ne sont pas la meilleure option puisqu’elles réverbèrent beaucoup plus les sons que des parois qui ne le sont pas ou qui comportent des angles. Notamment chez les plus petits, le fait d’avoir des décrochés dans les parois crée des petits espaces, un peu isolés de la zone centrale, où ils peuvent se reposer, se mettre au calme et à l’abri du brouhaha d’une classe de maternelle. Le ressenti de l’enfant s’en trouve largement amélioré. On a ici un exemple où la géométrie permet d’améliorer plusieurs facettes du bien-être, mais c’est une approche encore peu répandue dans les pratiques.

Et concernant la lumière ?

La valorisation de la lumière naturelle se heurte aux contraintes budgétaires : c’est coûteux d’agrandir des ouvertures existantes. En zone méditerranéenne, objet de ZEMedS, il faut croiser l’apport de lumière naturelle avec celui de chaleur pour trouver un bon équilibre en confort d’été. Dans les faits, on observe plutôt des réductions de la surface de vitrage, avec l’installation d’allèges opaques en bas des vitrages pour protéger de l’ensoleillement direct : en effet, le taux d’occupation des salles nécessite que des enfants soient généralement installés près des vitres et un ensoleillement trop important crée de l’inconfort, un phénomène de surchauffe derrière la vitre, voire d’éblouissement. En fonction de l’orientation des façades, des protections solaires sont à prévoir, une simple casquette solaire sera efficace pour une orientation au Sud, mais des solutions beaucoup plus complexes et onéreuses sont à trouver pour les orientations Est-Ouest. Dans la pratique, les écoles fonctionnent encore souvent avec des volets roulants actionnés manuellement et, il faut être honnête, cette solution n’est pas satisfaisante et engendre l’allumage systématique de l’éclairage artificiel. La rénovation permet également de repenser l’utilisation de l’éclairage artificiel. Plus efficace, parfois gradable ou avec un zonage des luminaires parallèle aux baies vitrées et plus cohérent avec les apports en lumière naturelle, la consommation énergétique et le confort sont améliorés. Dans le neuf, des ouvertures essentiellement situées au Nord sont une option très adaptée au sud de la France.

Est-ce suffisant, en zone méditerranéenne, pour assurer le confort d’été ou la climatisation s’imposet-elle en complément ?

Nous essayons de favoriser les solutions passives, notamment la ventilation naturelle nocturne, mais ce discours est de plus en plus difficilement tenable pour un élu. Aujourd’hui, on a la clim dans la voiture, au bureau, au cinéma, parfois chez soi… les écoles font partie des rares lieux encore non climatisés. En l’absence de garantie chiffrée que les solutions passives sont suffisantes pour un bon confort d’été, tout comme de preuves que la climatisation n’est pas forcément très saine - pour la plupart des parents, elle se limite à un petit mal de gorge de l’enfant s’il a été trop près d’un courant d’air – les maires cèdent aux pressions. Suite à la canicule de 2018, les élections approchant de surcroît, nous avons eu de nombreux cas où la clim a été installée de manière précipitée. Il n’y a alors aucune réflexion globale sur l’impact en matière de santé et de qualité de l’air que peut avoir cette climatisation.

Et encore, c’est sans compter les cas où les écoles sont trop exiguës et où l’extension passe par un bâtiment modulaire climatisé dans la cour au confinement très élevé. Nous n’avons pas de mesures de QAI, mais il est probable qu’elles ne seraient pas excellentes !

La clim n’est pas la seule à présenter des difficultés : nous n’avons pas toujours assez de hauteur sous plafond pour installer des brasseurs d’air. Il faut qu’ils soient absolument inatteignables, même lorsque les enfants montent sur les tables et c’est loin d’être toujours possible. Autre exemple, en zone méditerranéenne, on ne peut vraiment pas compter sur la végétalisation pour rafraîchir. En effet, dans des zones moins chaudes, on peut planter des essences qui ont besoin de beaucoup d’eau, et qui vont avoir un effet d’évapotranspiration efficace pour le rafraîchissement. Dans le Sud, soit on utilise ces mêmes essences, mais il faut alors consommer beaucoup d’eau pour les entretenir, ce qui n’est pas la bonne solution, soit on utilise des essences méditerranéennes, adaptées au climat, qui demandent peu d’eau… mais alors on un effet de rafraîchissement beaucoup plus limité !

En résumé : rien ne remplace le bon sens que nous appliquons chez nous en ouvrant nos fenêtres la nuit. Mais dans le cas d’un bâtiment public, il faut le mettre en œuvre de manière sécurisée et procéder à l’ouverture au moment adéquat.

Avez-vous pu évaluer les résultats de la démarche ZEMedS, notamment dans les autres pays européens impliqués ?

Parmi les autres pays européens, nous sommes allés dans des écoles, notamment en Grèce, mais la crise économique battait son plein et la démarche a donc été mise de côté pour se concentrer sur d’autres dépenses immédiates. On voit ainsi que malgré les recommandations que nous pouvons faire, le raisonnement en matière de coût immédiat l’emporte souvent sur le raisonnement en coût global. En effet, lors d’une rénovation de logement, le propriétaire-occupant bénéficie directement des frais engagés, alors que, dans le cas d’une école, celui qui finance les travaux n’est pas celui qui aura les bénéfices immédiats de l’investissement. La lucidité est nécessaire pour avancer et trouver les bons arguments : la rentabilité économique prime encore souvent sur le confort d’usage.

La visibilité des résultats va être longue, mais on sent une prise de conscience. Dans les projets accompagnés, nous arrivons à aller plus loin sur l’aspect santé et à l’intégrer plus tôt dans la rédaction du programme. Les exigences demandées par le maître d’ouvrage sont ainsi plus claires, anticipées et mieux intégrées par le maître d’œuvre. Néanmoins, très peu de projets sortent encore avec des mesures de la QAI. Le travail de terrain continue, on parle beaucoup avec les élus, on utilise des retours d’expérience pour faire passer les messages… petit à petit, on construit une sorte de « culture générale » autour du sujet.

Et les professionnels, sont-ils assez sensibilisés et formés au sujet ?

Les bureaux d’études sont assez fans des usines à gaz technologiques qui fonctionnent bien sur le papier. Mais il faut ensuite que l’exploitant maîtrise le fonctionnement de l’installation, l’entretienne, identifie les éventuels dysfonctionnements … et que les occupants adoptent un comportement adapté au système. On atteint alors les limites de compétences des agents des collectivités qui se trouvent démunis devant trop de technique. C’est pour cela que nous promouvons autant que possible les solutions passives : la problématique ici, c’est que celles-ci, pour être efficaces, doivent être pensées lors de la conception. C’est un travail de réflexion et de simulation important pour les architectes et les bureaux d’études, mais c’est une charge nouvelle qui ne leur ait pas vraiment rémunérée : ils ne peuvent pas y passer le temps nécessaire, et, pour vivre correctement de leur métier, sont obligés d’aller au plus vite sur ces aspects… et c’est ainsi que nous retombons sur des solutions techniques déconnectées de l’usage… La juste rémunération de la maîtrise d’œuvre fait partie des axes d’amélioration.

Un dernier message pour les participants des Défis Bâtiment Santé ?

Michaël GERBER
Pour avoir un bâtiment confortable et performant, il faut prendre plus de temps pour réfléchir dès la conception aux besoins et usages et ainsi trouver des solutions adaptées. Mettre plus de moyens sur la phase amont du projet évite de décliner des solutions standardisées qui ne fonctionneront pas forcément. Prendre le temps de réfléchir à une solution simple et efficace.

Claudia BOUDE BATLLE
Il faut revenir à la frugalité. Le high tech ne va pas tout résoudre et le bâtiment frugal peut être confortable.

Interview du 15 avril 2019 réalisée par Marie Bérenger de Kita Organisation pour Bâtiment Santé Plus


Michaël GERBER, Chargé de mission Collectivités, Agence Locale de l’Energie et du Climat, Montpellier Métropole Ingénieur en Génie Climatique et Energétique, diplômé de l’école Nationale Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg, il travaille entre 2001 et 2007 à l’Agence Locale de la Maîtrise de l’Energie de Mulhouse où il participe à l’essor des bâtiments basse consommation inspirés des modèles suisse (MINERGIE) et allemand (Passiv Haus). Depuis 2008, il travaille à l’Agence Locale de l’Energie et du Climat Montpellier Métropole en tant que responsable du pôle Collectivités dont l’objectif est d’accompagner élus et agents dans leur politique de transition énergétique et écologique, notamment au travers de la rénovation des bâtiments publics. Du fait de la particularité du climat méditerranéen, il participe entre 2012 et 2015 à un projet européen « ZEMedS » dont l’objectif est de définir une méthodologie pour des rénovations performantes, et confortables, d’établissements scolaires. Il a l’occasion d’étudier l’interaction entre performance énergétique et confort d’usage en toutes saisons, y compris en ce qui concerne la qualité d’air intérieur.

Claudia BOUDE BATLLE, Conseillère énergie et habitat, GEFOSAT Claudia Boude Batlle est diplômée de l’Ecole Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg. Elle travaille depuis 2010 à l’association GEFOSAT à Montpellier en tant que conseillère énergie & habitat. Elle répond essentiellement aux questions techniques et financières des particuliers souhaitant rénover leur logement. Du fait de la spécificité du climat, le conseil est naturellement orienté vers une prise en compte globale du bâtiment et notamment le confort d’été. De 2013 à 2015, elle participe au projet européen « ZEMedS » consistant à promouvoir la rénovation performante des écoles en climat méditerranéen, où confort et santé des occupants sont étudiés au même titre que la performance énergétique. Depuis, elle a intégré le jury des commissions d’évaluation « Bâtiments Durables Occitanie » où elle s’attache à faire progresser les projets grâce aux retours d’expérience tirés du projet ZEMedS.

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