ÉCONOMIE CIRCUL' AIR,
LA SANTÉ DANS LA BOUCLE !

Le 6 juillet 2021,
Paris - Auditorium SMABTP

La santé dans l’économie circulaire de la construction au Québec et en France

Gilles bernardin

Gilles Bernardin,
Président et directeur général 3R MCDQ
Regroupement des Récupérateurs et des Recycleurs de Matériaux de
Construction et de Démolition du Québec

Suzanne Déoux

Dr Suzanne Déoux
Docteur en médecine,
Présidente de Bâtiment Santé Plus,
Organisatrice du colloque Défis Bâtiment Santé
Fondatrice de MEDIECO Conseil & Formation

Suzanne Déoux. Gilles Bernardin, après un parcours professionnel dans la R&D de l’industrie cimentière au Québec, débuté en 19731, vous vous êtes impliqué dès 2002 dans l’association 3R MCDQ2 qui organise chaque année le Congrès Construction Recycle auquel vous m’avez récemment invitée. Nous n’avons pas de structure équivalente en France, pouvez-vous nous expliquer sa vocation ?

Gilles Bernardin. L’association fête ses 25 ans ! Créée en 1996, à partir d’un constat : au Québec, les matériaux de construction en fin de vie partaient presque tous vers des sites d’enfouissement en fort développement. Il fallait créer un contrepoids pour que les débris de construction puissent être triés et recyclés. Aujourd’hui, le 3R MCDQ réunit 230 membres, essentiellement des centres de tri, quelques entreprises supports, des équipementiers… qui comptabilisent 5 300 personnes salariées. Le Congrès Construction Recycle a été lancé dès le début, en 1997.

Nous nous développons grâce au bouche-à-oreille. Les entreprises intéressées par notre démarche nous appellent. Leur candidature doit être approuvée par le conseil d’administration et les membres doivent respecter notre code éthique.

Suzanne Déoux. Y-a-t-il des structures identiques à la vôtre dans d’autres pays ?

Gilles Bernardin. En Suisse, l’association ASR Recyclage matériaux construction3 est très fortement engagée dans le recyclage des matériaux de la construction et l’élimination des polluants dans les règles de l’art. Diverses initiatives existent aux États-Unis4 au Canada, mais souvent les associations sont soit liées à une filière particulière, soit elles concernent le recyclage des produits de construction mais ne regroupent pas tous les acteurs depuis l’étape de démolition.

Suzanne Déoux. En France, on nous reproche souvent les lenteurs administratives et des lois parfois complexes à mettre en oeuvre… Un Plan national de prévention des déchets a été lancé en 2014 et plusieurs arrêtés fixent progressivement les critères spécifiques à chaque type de déchets En 2018, un arrêté intègre uniquement l’amiante et les polluants organiques persistants dans les critères de réutilisation des matériaux. Cinq textes ont été publiés en 2020, dont l’ordonnance du 29 juillet qui prévoit l’obligation de collecte séparée pour les déchets de construction et de démolition, à savoir les fractions minérales, de bois et de plâtre, à compter du 1er janvier 2025. Elle étend la procédure de sortie du statut de déchet aux projets innovants intégrant des déchets dans leur processus de production et la simplification de cette procédure pour les objets qui sont contrôlés ou réparés pour être réutilisés. La prochaine RE 2020, dont l’un des objectifs est la diminution de l’impact carbone des bâtiments, valorise peu le recyclage des matériaux en fin de vie et en rebours de la Loi économie circulaire votée en 2020.Au Québec, la dynamique réglementaire sert-elle davantage de levier à l’économie circulaire dans le bâtiment ?

Gilles Bernardin. Malheureusement, nous sommes aussi face à des lenteurs administratives qui retardent les bonnes pratiques. Le Ministère ne veut pas bannir l’enfouissement et il commence tout juste de s’interroger sur la mise en place d’une REP5. Cela serait un premier pas important, car il permettrait au producteur de se pencher sur les déchets que ses matériaux engendrent et donc de prévoir les budgets pour mettre en place une démarche de recyclage. On peut aussi citer l’absence d’obligation pour les fabricants d’intégrer une proportion de matière recyclée dans leurs nouveaux produits. Au Québec, 500 000 tonnes de panneaux de gypse6 sont produites chaque année. Une obligation, ne serait-ce que l’intégration de 10 % de contenu recyclé éviterait 50 000 tonnes de débris enfouis ! Et c’est tout à fait possible, les fabricants pourraient même aller jusqu’à 25 % de gypse recyclé dans leurs panneaux.

Encore un exemple : on observe un déclin du recyclage et de la valorisation du bois. Pourquoi ? Toutes les entreprises qui détiennent des autorisations pour utiliser de la biomasse doivent demander un certificat différent pour le bois de construction. La volonté de simplifier la démarche est dans les tiroirs depuis cinq ou six ans, mais elle n’en sort pas… On a eu le cas d’une fabrique de papier qui utilisait 150 000 tonnes de bois par an. Elle a temporairement fermé. Comme les exigences de qualité pour produire de nouveaux panneaux de bois sont importantes et nécessitent des coûts d’investissement élevés et, que parallèlement, les sites d’enfouissement proposent des tarifs intéressants, les entreprises se tournent naturellement vers cette solution ! D’autant plus que beaucoup d’usines sont vieillissantes et fonctionnent sur des droits acquis. Changer de technique remettrait en cause leurs droits… elles ne prennent pas le risque. Quand dans certains États au sud du Québec, l’enfouissement du bois est interdit, sa valorisation devient évidente et budgétée par les entreprises concernées.

Le dernier exemple que je vais citer est celui sur lequel nous travaillons actuellement. Nous avons sollicité une usine d’enrobés bitumineux pour mener une expérimentation : intégrer les bardeaux d’asphalte7 dans son procédé de fabrication et mesurer les impacts sur les émissions atmosphériques. Nous avons mis cinq ans pour trouver une entreprise qui accepte de se lancer dans la démarche d’obtention des autorisations nécessaires… Pendant la même période, onze sites d’enfouissement ont obtenu leur autorisation pour utiliser ces bardeaux pour recouvrir leurs décharges. C’est beaucoup plus rapide d’enfouir que d’innover pour recycler la matière ! L’ironie, c’est que pour l’activité d’enfouissement, il faut normalement recouvrir avec un matériau qui a une certaine perméabilité… ce qui est donc un comble puisque la vocation des bardeaux utilisés en toiture est d’être étanche…

Suzanne Déoux. En revanche, en France, il faut souligner le bel accompagnement de l’ADEME pour toutes les initiatives qui visent à réduire les impacts sur l’environnement et la santé. Avez-vous l’équivalent ?

Gilles Bernardin. Tout à fait ! Je pense que le fonctionnement de l’ADEME est proche de celui de Recyc-Québec. C’est un organisme paragouvernemental qui relève du Ministère de l’Environnement et nous travaillons étroitement avec eux. Et c’est justement Recyc-Québec qui subventionne le projet d’intégration de bardeau dans la fabrication d’enrobé et accompagne la réalisation de notre expérimentation ! L’usine d’enrobé n’a pas eu à débourser un centime pour cela.

Ensuite, une fois l’expérimentation menée, les usines d’enrobés doivent obtenir un certificat d’autorisation. Elles ne sont qu’un maillon de la chaîne. il faut aussi que la commande publique suive dans les exigences qu’elle impose. La compétitivité économique du matériau avec une fraction recyclée sera posée. Il faudra à nouveau envisager une logique économique de contre-incitation à l’enfouissement, avec un coût élevé pour l’enfouissement des matériaux pour lesquels il existe une autre voie d’utilisation. Mais nous n’y sommes pas !

Suzanne Déoux. Nous sommes dans le cadre des Défis Bâtiment Santé, donc la question se pose forcément : comment maîtrisez-vous le risque d’émissions toxiques lors de la conception de nouveaux enrobés avec des bardeaux d’asphalte récupérés ?

Gilles Bernardin. Quand le bardeau à recycler est mis en contact avec des granulats chauds ou lors de la phase de malaxage avec le bitume chaud, la mise en dépression du système de ventilation réduit les émissions à cette étape. En revanche, sur le chantier, les émissions lors de l’application de l’enrobé sont identiques que le produit soit issu du recyclage ou non.

Suzanne Déoux. Vous avez aussi commencé à évoquer le recyclage des panneaux de gypse. En France, les déchets de plâtre ne sont pas des déchets inertes. En effet, au contact de matières organiques, le gypse qui est du sulfate de calcium, peut produire de l’hydrogène sulfuré (H2S), responsable d'une odeur d'oeuf pourri et d’une toxicité respiratoire élevée. Si la teneur en plâtre des déchets dépasse 10 %, ils doivent être mis en décharge de classe 2, dans des alvéoles séparées. Sur un chantier, les chutes de découpe représentent déjà 10 à 15 % des plaques de plâtre neuves ! Aussi, les industriels français mettent progressivement en oeuvre de nouvelles solutions de tri, de collecte et de recyclage des déchets de plâtre. Le contenu recyclé dans les plaques neuves est actuellement de 10 à 30 %. Comment sont traités ces déchets au Québec ?

Gilles Bernardin. Au Québec, les panneaux de gypse représentent environ 15 % des déchets de construction, soit 200 000 tonnes de déchets. Sur les chantiers, les déchets de pose, représentant comme en France, 10 à 15 % des panneaux de gypse, on pourrait commencer le recyclage avec ces 75 000 tonnes de panneaux de gypse. Comme le gypse est fragile et facilement friable, il contamine les autres matières. Pour cette raison, il doit être traité de manière spécifique et trié sur le chantier.

En raison de la problématique de dégagement d’hydrogène sulfuré, les sites d’enfouissement sont prudents. Dans ce contexte, notre association va leur proposer d’aider à structurer la filière de recyclage de gypse en chargeant une pénalité pour les conteneurs dans lesquels il y aura du gypse. S’ils acceptent, ce sera une belle avancée ! Il faut savoir que le gypse est utilisé en agriculture sans qu’il n’y ait besoin d’autorisation. Mais, la réglementation du Québec le considère comme une matière résiduelle. Chaque autre utilisation nécessite une autorisation du Ministère de l’environnement… Pour nous, le gypse est une ressource, mais selon la règlementation du Ministère, c’est un déchet.

Suzanne Déoux. Si le gypse constitue l’âme des panneaux, chaque face est recouverte par une feuille de carton lisse. Le papier des panneaux issus des sites de démolition ou de rénovation peut contenir des contaminants issus du ruban adhésif, des composés des joints entre les panneaux et des peintures, des moisissures et, en cas d’ignifugation, des retardateurs de flamme. Des études ont-elles été réalisées sur les teneurs en contaminants du papier des cloisons sèches ?

Gilles Bernardin. Il faut savoir que le papier et le gypse qui y demeure collé après conditionnement représente environ 10 % du poids du panneau de gypse. Cela représente donc, au Québec, 20 000 tonnes annuelles de papier pour les 200 000 tonnes de déchets de panneaux de gypse. La problématique importante est de séparer le papier du gypse. Nous fonctionnons par compression et broyage pour pouvoir réutiliser le gypse avec un faible taux résiduel de papier. Une des valorisations envisagées pour les résidus de papier de gypse a été la transformation en flocons de papier pour être utilisés comme litière pour les animaux de ferme et absorber l’humidité. Après usage, ils seraient intégrés au fumier et épandus sur les champs agricoles.

En 2019, le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ)8 a évalué l’innocuité de cette valorisation sur 18 échantillons de résidus de papier de gypse. Les concentrations en retardateurs de flamme bromés et en métaux extractibles dont le plomb9 ont été faibles et identiques pour tous les exemplaires. En revanche, la teneur de mercure a été mesurée à des niveaux inattendus dans tous les échantillons.

Des essais de toxicité ont été effectués sur différents organismes vivants (algues, plantes), mais c’est sur les vers de terre qu’ont été mises en évidence les conséquences d’un taux d’épandage de 1 % des flocons de papier : limitation de leur reproduction et de la croissance des jeunes. Cette valorisation a, pour le moment, été écartée mais d’autres essais seront réalisés cette année.

Suzanne Déoux. Le gypse synthétique présente un avantage environnemental en recyclant un sousproduit industriel et en limitant le recours au gypse naturel. Appelé désulfogypse ou gypse FGD10, il est obtenu par désulfuration des gaz de combustion à l’aide d’hydroxyde de calcium. Cela concerne principalement les centrales thermiques au charbon et au fuel qui produisent de l’électricité. La France, avec son parc important de centrales nucléaires est peu concernée. Une seule usine de fabrication de plâtre, située en Alsace, utilise cette matière première importée d’Allemagne. De nouvelles stratégies de réduction des émissions de mercure dans les fumées des centrales ont soulevé des inquiétudes quant aux concentrations de ce composé dans les panneaux de gypse synthétique. Quel est votre avis ?

Gilles Bernardin. Au Québec, nous avons essentiellement des centrales hydro-électriques et, comme la France, nous avons peu recours au gypse synthétique de FGD, à la différence de l’Allemagne et des États-Unis. Concernant la problématique du mercure, le Laboratoire national américain du Département de l’énergie fossile11 a conduit une étude comparant des échantillons de gypse naturel et de gypse synthétique. La teneur de mercure dans le gypse synthétique (de 0,07 à 0,95 μg/g) est plus élevée que dans le gypse naturel (de 0,004 à 0,026 μg/g). Lors de l’enfouissement, le potentiel de lixiviation du mercure des panneaux de gypse synthétique a été évalué. Les teneurs mesurées sont bien plus faibles que la concentration autorisée.

Dr Suzanne Déoux. Parlons d’une autre famille de déchets du bâtiment, les produits bois. En France, pour augmenter leur résistance face aux insectes xylophages et aux attaques fongiques, de très nombreux éléments en bois ont pu subir des traitements biocides dont certaines substances sont classées parmi les polluants organiques persistants à la toxicité élevée, comme par exemple, le lindane, le pentachlorophénol. Ce dernier n’a été que récemment ajouté à la liste des polluants organiques persistants (POP) avec des limites de concentration fixées de façon à permettre la gestion des déchets qui en contiennent et à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine. Les produits contenant des POP ne peuvent donc être réutilisés. Il est en effet important d’éviter que des charpentes traitées avec de telles substances soient réutilisées, par exemple, pour fabriquer du mobilier qui serait au contact de l’air intérieur. Au Québec, y a-t-il un contrôle pour le réemploi des bois ?

Gilles Bernardin. Au Québec, les bois utilisés dans la construction ne sont pas traités. Les termites n’apprécient guère nos températures hivernales ! Et nos essences locales, surtout des résineux, sont particulièrement résistantes en raison de notre climat. Seules quelques utilisations extérieures — patios, traverses de chemin de fer — intègrent un traitement à l’arséniate de cuivre chromé et au créosote. Ces déchets de bois traités sont valorisés énergétiquement dans une centrale de cogénération avec un taux maximal de 15 % et un contrôle chimique des émissions à l’aide de sondes.

Le bois représente au Québec 40 % du flux des matériaux de déconstruction. Il y a une forte demande des utilisateurs pour le recyclage ainsi que pour la valorisation énergétique. Or, nous sommes confrontés au recul de ces filières, car la mise en décharge ne coûte pas assez cher. Les débouchés pour les déchets de bois existent pourtant : fabrication de panneaux de particules, matériaux isolants en fibres de bois et réemploi. Une autre application, bien que marginale, consiste à faire aussi du surcyclage (Upcycling) avec les « bois de grange » c’està- dire des bois de façade non traités qui, en vieillissant, ont pris une teinte un peu grisée.

Dr Suzanne Déoux. Même non traités, certains panneaux à base de bois peuvent soulever une problématique sanitaire principalement liée à la présence de formaldéhyde, monomère de colles aminoplastes, sensibles à l’hydrolyse. Les conditions thermo-hygrométriques de l’air ont une incidence sur les niveaux d’émission en formaldéhyde. Les panneaux à base de bois retenus dans une démarche de réemploi pourront donc entraîner des niveaux d’émission significatifs en formaldéhyde, d’abord selon le type de colle utilisé, ensuite s’ils sont réemployés sous leur forme brute, et enfin, si le revêtement appliqué ne crée pas d’effet barrière. Lors de rénovation ou déconstruction de bâtiments de bureaux, des dalles de plancher technique sont ainsi utilisées dans d’autres bâtiments. Elles ne sont pas soumises, pour l’instant, à l’étiquetage des substances volatiles, obligatoire pour les produits neufs. Est-ce que ce type de réemploi existe au Québec et, si oui, des mesures de formaldéhyde sont-elles réalisées avant le réemploi de ces panneaux ?

Gilles Bernardin. Encore un problème que nous ne rencontrons pas chez nous. Nous n’avons pas de planchers techniques. Au Québec, tous les câblages notamment électriques et autres passent par les plafonds et les murs.

Dr Suzanne Déoux. Avant démolition totale ou partielle d’un bâtiment, un diagnostic amiante est obligatoire pour tout immeuble bâti dont le permis de construire a été déposé avant le 1er juillet 1997. En effet, si l’amiante a d’abord été interdit, en 1978, dans les flocages, emploi le plus exposant, toutes les autres utilisations, notamment les calorifugeages, ne sont plus autorisées depuis juillet 1996. Par ailleurs, parmi les critères fixés par l’arrêté du 11 décembre 2018, la présence d’amiante n’autorise pas la sortie de statut de déchet des produits en contenant. Existe-t-il encore actuellement des utilisations d’amiante dans les bâtiments au Québec, important producteur de ce « magic mineral », classé cancérogène certain, en 1987, par le Centre International de recherche sur le cancer de l’OMS ?

Gilles Bernardin. L’emploi de l’amiante s’est prolongé bien plus longtemps au Canada qu’en France. Par exemple, le ciment à joint pouvait contenir de l’amiante jusqu’en 1990. Au Québec, la dernière mine d’amiante a été fermée en 2011. C’est seulement depuis le 30 décembre 2018 que l’importation, la vente et l’utilisation de l’amiante sont interdites… ainsi que la fabrication, l'importation, la vente et l'utilisation de produits qui en contiennent. Toutefois ce règlement ne s’applique pas aux 800 millions de tonnes de résidus miniers qui contiennent 40 % d’amiante et qui sont produits par l’exploitation passée des mines d’amiante, ni au réaménagement et à la réhabilitation des anciens sites miniers.

Néanmoins, en ce qui concerne le bâtiment, le cadre est désormais strict. Comme en France, lorsqu’il y a des travaux de rénovation d’un bâtiment construit avant l’interdiction, l’entreprise doit faire un diagnostic, et s’il y a de l’amiante, il doit être retiré avec toutes les précautions nécessaires avant d’entreprendre le début des travaux.

Dr Suzanne Déoux. Souhaitez-vous mettre l’accent sur d’autres filières de recyclage particulièrement exemplaires au Québec et dont on pourrait s’inspirer ? Par exemple, en France, nous avons une jeune start-up13 qui recycle les fonds de peinture et qui s’est inspirée en partie sur les bonnes pratiques québécoises !

Gilles Bernardin. Effectivement, notre programme Éco-Peinture est considéré comme l’un des plus performants au monde. Il faut préciser que les résidus de peinture sont considérés comme des matières dangereuses et donc les collectivités sont obligées d’organiser deux fois par an leur collecte auprès des citoyens et des peintres en bâtiment qui apportent leurs fonds de pots.

Tout a commencé dans les années 1990 avec Normand Maurice, un professeur d’une école à Victoriaville, très préoccupé par les jeunes qui laissaient tomber leurs études sans arriver à obtenir un diplôme. Il a cherché comment leur permettre de trouver un métier et a créé les CEFER, des centres de formation où ils suivaient des cours classiques le matin et faisaient le tri de la peinture l’après-midi. L’initiative a remporté un franc succès et les CEFER se sont multipliés. Ils ont aussi développé d’autres activités de tri. Hydro Québec les sollicite pour séparer les composants des isolateurs de lignes haute tension. Ils assurent également le tri des métaux, des lampadaires de rue… Tout le monde y trouve son compte : les jeunes se forment ; les entreprises peuvent bénéficier d’une filière de recyclage très compétitive et donc sont moins enclines à faire appel à des solutions d’enfouissement !

Pour en revenir à la peinture, pour recycler et recommercialiser cette matière collectée et triée, une structure a été ensuite créée, en 1997 : la Société Québécoise de gestion écologique de la peinture ou Eco-peinture14, société sans but lucratif, dont le réseau est présent dans plus de 700 municipalités et municipalités régionales de comté (MRC) au Québec. Son réseau de récupération, composé des détaillants en quincaillerie, en rénovation et en peinture, ainsi que des écocentres, garages municipaux et ressourceries, compte plus de 1 200 points de dépôt accessibles au public. Ce sont ainsi 7 millions de kilos de peinture qui échappent chaque année à l’enfouissement !

D’autres initiatives existent, mais elles sont plus diffuses et moins structurées : une entreprise recycle le PVC, une autre le polystyrène, Saint-Gobain expérimente le recyclage du verre des fenêtres…

J’ai hâte de voir lors des Défis Bâtiment Santé les bonnes pratiques et innovations françaises !

Échanges du 8 mars 2021
Rédaction et synthèse par Marie Bérenger de Kita Organisation pour Bâtiment Santé Plus


Diplômé ingénieur en 1973 et MBA en 1994, Gilles BERNARDIN a effectué tout son parcours professionnel dans l’industrie cimentière, notamment chez Miron, un cimentier québécois, où il a été responsable de l’exploitation d’un site d’enfouissement qui gérait 1 million de tonnes chaque année. Très vite, il s’est investi sur des problématiques de valorisation de ces déchets, avec notamment le lancement de la captation des biogaz pour alimenter les fours de la cimenterie. C’était alors une démarche pionnière.

Ensuite, chez Holcim, il est devenu directeur recherche et développement, et à ce titre, a piloté l’ensemble des démarches de réutilisation entreprises par sa société. Lorsqu’il a quitté le marché du travail, en 2011, il est devenu d’abord Président du 3R MCDQ. En l’absence de directeur général, il assure cette fonction aujourd’hui.

Depuis plus de 30 ans, Suzanne DÉOUX développe une approche globale en santé environnementale centrée sur l’interaction Bâtiment & Santé avec la publication de premiers ouvrages de référence l’Écologie, c’est la santé (1993), Habitat Qualité Santé (1997), Le Guide de l’habitat sain (2002, 2004), Bâtir pour la santé des enfants (2010). Elle est également co-auteur de L’air et la santé (2004), Bâtir éthique et responsable (2007), Bâtiments, Santé, le tour des labels (2011). Après un premier article en 1990 dans la Revue des Deux Mondes, « Si Hippocrate réécrivait son traité : des airs, des eaux et des lieux », de nombreuses revues scientifiques, professionnelles et grand public ont été intéressées par sa démarche de médecine environnementale.

Après avoir exercé comme médecin spécialiste ORL, elle fonde, en 1986, MEDIECO, société d’Ingénierie de santé dans le bâti et l’aménagement urbain. Professeur associé à l’université d’Angers, elle crée le Master Risques en santé dans l’environnement bâti et lance, en 2011, avec ses étudiants le colloque Les Défis Bâtiment Santé.

Dans le cadre de missions d’assistance à la maîtrise d’ouvrage et à la maîtrise d’oeuvre, elle participe à de très nombreux projets afin d’améliorer la prise en compte de la santé dans l’acte de construire et d’aménager la ville. Elle accompagne les industriels pour la caractérisation sanitaire des produits de construction et des équipements. Elle joue également un rôle essentiel auprès des gestionnaires de bâtiment pour le diagnostic et la gestion de problèmes de qualité de l’air intérieur. Membre du groupe RBR 2020 du Plan Bâtiment Durable, elle participe, en 2019, à la rédaction de la note Bâtiment Responsable et Santé.

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